C’est une des surprises de cette fin d’année. Basée sur un thème douloureux – la grave maladie d’un jeune enfant -, Camille de Castelnau a concocté une tragédie familiale poignante qui parvient à jongler entre tragique et comédie, sans succomber au sentimentalisme. Un exercice d’équilibre difficile à réaliser, surtout en France, et qui positionne « Tout va bien » bien au-dessus de ses concurrents, y compris ceux du cinéma.
Des personnages qui résistent aux stéréotypes
Certains thèmes sont plus délicats à aborder que d’autres dans la création cinématographique. C’est le cas par exemple de ceux qui touchent à une peur universelle, à savoir la maladie d’un enfant. C’est pourtant ce dont traite « Tout va bien », une oeuvre dont le scénario est d’ailleurs tiré de l’histoire personnelle de sa conceptrice, Camille de Castelnau.
Elle a été inspirée par la leucémie de sa nièce, qui a dû subir une greffe, à l’image de Rose, l’enfant protagoniste de la série. S’inspirant de modèles dramatiques américains de grande qualité, comme « Six Feet Under », la scénariste raconte la manière dont cette maladie a un impact sur tous les membres de la famille proche de l’enfant malade.
Dans « Tout va bien », les clichés n’ont pas leur place : les personnages sont tous à leur manière ordinaires. Leur crédibilité est renforcée par leur faillibilité : la maladie de Rose ne les fait pas devenir des saints d’un coup, et ils continuent à gérer leur propres problèmes personnels, plus ou moins graves, pendant que Rose lutte pour sa vie à l’hôpital, dans une chambre presque totalement coupée du monde extérieur.
Petitesses quotidiennes et sentiments humains ordinaires
La qualité d’écriture de cette série est indéniable : Marion (Sara Giraudeau), qui joue le rôle de la mère de Rose, est un personnage insaisissable qui semble vouloir fuir la situation, tandis que sa sœur Claire (Virginie Efira) se montre plus proactive, ce qui l’amène à négliger sa propre situation personnelle confuse – son conjoint et elle sont confrontés à une ex-partenaire déterminée à récupérer la garde de leur fille.
Quant au garçon de la famille (Aliocha Schneider), il espère de manière erronée pouvoir échapper à ses soucis grâce à son travail de steward. Quant à la mère des trois protagonistes (Nicole Garcia), elle s’efforce de gérer une affaire #MeToo touchant son éditeur et amant, tout en essayant d’exploiter l’histoire de Rose pour son prochain livre de développement personnel.
Comme dans toute famille, ces personnages loin d’être parfaits se querellent. « Tout va bien » expose les mesquineries quotidiennes et les sentiments humains banals, ce qui est à la fois passionnant et rassurant, car on peut s’identifier à ces personnages qui font face à des épreuves, commettent des erreurs et peuvent craquer sous le poids que la maladie fait peser sur leur famille.
Une référence pour la production française
Par ailleurs, la série se démarque par son extrême retenue : elle ne tombe jamais dans le mélodrame et évite les effets faciles pour émouvoir le spectateur. De plus, elle allège son récit grâce à un humour noir assez subtil qui est très proche de ce que l’on pourrait vivre dans la réalité en cas de circonstance aussi tragique. Avec une écriture aussi habile, le casting exceptionnel de la série se trouve dans une position de confort, et c’est le soin apporté à la réalisation qui surprend.
Filmée à Paris, et notamment à l’hôpital Robert-Debré avec un réalisme qui frôle parfois le documentaire sur le travail admirable des soignants, la série présente une photographie qui ferait pâlir d’envie de nombreux films. Trois de ses réalisateurs sont des noms connus du grand écran.
Ancien collègue de Camille de Castelnau, ils ont collaboré pendant des années sur « Le Bureau des Légendes » de CANAL+. Éric Rochant passe ensuite le relais à Xavier Legrand (« Jusqu’à la garde », 2017), Audrey Estrougo (« Suprêmes », 2021) et Cathy Verney (« Vernon Subutex », 2019).
En d’autres termes, la décision de Disney de s’engager sur ce projet franco-français malgré sa thématique délicate semble avoir été judicieuse. Il se peut qu’elle ait livré sa meilleure série depuis le lancement de la plateforme chez nous au printemps 2020. En ce qui concerne le secteur du cinéma, il gagnerait à solliciter les services de Camille de Castelnau…
« Tout va bien » épisodes 1 à 8 sont disponibles sur Disney+, avec CANAL+.