Soyez sur vos gardes, une nouvelle rivale fait une entrée fracassante sur la scène des meilleures séries 2023. ‘The Curse’, créée par Nathan Fielder et Benny Safdie, figures emblématiques de la production américaine contemporaine, se présente comme un point culminant de comédie inconfortable et offre une critique corrosive du capitalisme écologique.
Un duo particulièrement répugnant
L’ouverture de The Curse sert de mise en garde. Ben Safdie, qui incarne le rôle d’un odieux réalisateur, ajoute des larmes artificielles et provoque un rougissement des yeux d’une mère atteinte d’un cancer, car celle-ci ne manifeste pas assez d’enthousiasme lorsqu’elle apprend que son fils a enfin obtenu un emploi pouvant financer ses soins. La scène provoque un inconfort, voire du dégoût, intense, laissant immunédiatement deviner que The Curse est une série radicalement différente des autres.
Le titre de la série fait référence à une malédiction lancée par une petite fille à Asher (incarné par Nathan Fielder), qu’elle filme en train de lui donner un billet de 100 dollars pour ensuite le reprendre lorsque la caméra s’éteint.
Asher est un quadragénaire médiocre et effacé, récemment marié à Whitney (Emma Stone, parfaitement à l’aise dans cette intrigue surréaliste), avec qui il se met en scène dans une émission de télé-réalité intitulée Flipanthropy. Le couple se voit comme des entrepreneurs sociaux et environnementaux, croyant créer des habitations écologiques dans la charmante ville d’Española, au Nouveau-Mexique.
Une émission qui ne rentre dans aucune case
Cependant, ils sont en réalité acteurs d’un processus de gentrification, les résidents locaux ne pouvant se permettre ces maisons et étant forcés de déménager pour faire place aux riches acheteurs visés par Asher et Whitney.
Le hiatus entre l’image que le couple se fait de lui-même et sa perception par les habitants de la ville est un des éléments clés de la série, qui n’hésite pas à rendre ses protagonistes aussi exaspérants que possible. Ils enchaînent des situations toujours plus embarrassantes, pour mieux souligner leurs contradictions, ainsi que celles des spectateurs.
Se situant quelque part entre le drame et la comédie noire à la manière des frères Coen, The Curse nous invite à nous interroger sur la réalité de la malédiction. La série pose la question de savoir si celle-ci affecte réellement le couple, ou si leurs malheurs sont le fruit de leur conviction de la subir.
La série critique vivement l’assimilation culturelle des deux protagonistes – beaucoup de résidents autochtones vivent à Española – qui sont embourbés dans le rôle du sauveur blanc. Elle est également sans pitié envers ceux qui prétendent agir pour l’écologie tout en s’enrichissant grâce au greenwashing.
Nathan Fielder, l’as du malaise
Le message de The Curse est d’une grande pertinence, interrogeant adroitement la bonne conscience d’une partie de la population, persuadée de faire le bien.
Au niveau du rythme de la série, on se situe dans un compromis déconcertant, à mi-chemin entre le faux documentaire à la The Office, la téléréalité la plus vulgaire et le thriller à la A24 – le studio en vogue dans le cinéma indépendant américain et producteur de The Curse. La série témoigne du don de ses créateurs pour concevoir et mettre en scène de la gêne avec une originalité et une authenticité sans pareil. Il n’est nullement besoin de regarder jusqu’au dixième épisode, littéralement hors du commun, pour en être convaincu.
Bien que Ben Safdie soit déjà connu en France notamment pour son travail sur Uncut Gems sur Netflix, Nathan Fielder reste peu connu, malgré ses deux précédentes séries brillamment malaisantes – Nathan for You et The Rehearsal -, qui n’ont malheureusement pas été diffusées sur le territoire français. Il est grand temps de réparer cette erreur et nous espérons que l’arrivée de The Curse y contribuera.
The Curse, à voir dès maintenant sur Paramount+, disponible avec CANAL+.